Un peu de recul

Transitions, société, technologies, écologie, musique, etc.

  • Je profite d’une courte pause pour vous partager ma vraie analyse de la situation. Au départ, je me disais que compte tenu de la situation politique et des forces en présence à l’AN, ça aurait eu du sens d’avoir un PM de centre gauche à l’assemblée. C’était logique du point de vue d’un vote classique à la majorité.

    Et en fait j’ai réalisé qu’on avait finalement basculé dans un autre type de vote, de type jugement majoritaire (celui qu’avait utilisé la primaire de gauche en 2022). Dans le jugement majoritaire, on ne fait pas que voter, on évalue chaque candidat.e, en précisant (notamment mais pas que) lesquels sont à rejeter. Et ce mode de vote a tendance à faire perdre les personnes qui clivent beaucoup, qui suscitent du rejet. Et je trouve ça sain, de ne pas faire gagner quelqu’un qui suscite beaucoup de rejet.

    Or force est de constater, factuellement, que LFI suscite beaucoup plus de rejet que tous les autres partis (à mon avis, ils ne sont pas responsables de tout ce rejet, les médias et leurs opposants politiques y ont contribué, mais ils ont une très très grosse responsabilité). Et donc, avec cette logique de censure des autres partis qui reflète un peu ce mécanisme du jugement majoritaire, le NFP perd au profil du centre droit, pour qui moins de gens ont voté, mais qui suscite moins de rejet…

    J’aurais évidemment préféré une figure du centre droit plus jeune et motivante, pour être honnête. Mais bon, c’est comme ça 🙂 Allez, j’y retourne !!

  • En fin d’année 2022, j’ai pris une décision importante : j’ai retiré les analytics de mon site. Ce jour-là, je n’ai pas tué le père, mais j’ai certainement porté le coup fatal au marketeur de formation qui traînait encore quelque part dans les couloirs de mon subconscient.

    Fondamentalement, ces statistiques des visites me donnaient des chiffres dont je n’avais pas besoin. Elles ne pouvaient qu’orienter et contraindre mon activité d’écriture vers des sujets « vendeurs », optimiser l’organisation de mon site, et peut-être, gonfler un peu mon égo. Un beau jour, j’ai réalisé que je ne voulais pas de contraintes d’écriture. Que je n’avais pas l’intention de changer ou simplifier mon site pour améliorer des indicateurs de performance quelconques. Et surtout, que je devais préserver mon égo de la lutte impitoyable que nous imposent les diktats du clic, réseaux sociaux et logiciels d’analytics en tête. Moins de chiffres. Plus de liberté. Moins de prises de tête. Plus de création. Moins d’analyses. Plus d’intuition.

    C’était le premier acte.

    Deuxième acte

    Il y a quelques semaines, au moment d’aller courir, j’ai trouvé ma montre sportive déchargée. Catastrophe ! J’allais devoir courir sans musique. Pire, sans que mon activité soit dûment comptabilisée. J’y suis quand même allé, mortifié. Et j’ai cogité. Au moment où mon corps recevait son petit shoot de dopamine, je me suis demandé pourquoi j’avais besoin de cette montre, et ses indicateurs, et ses chiffres. Ils faisaient comment avant les coureurs déjà ?

    Comme pour les statistiques de mon site, je n’ai jamais rien fait des chiffres enregistrés par ma montre. Même au moment de préparer un marathon, puis un trail. Tout juste ma montre me permettait-elle de vérifier que je courais à la bonne vitesse moyenne. Si je ne faisais rien de ces chiffres, pourquoi enregistrer mes activités ? Pourquoi cette impression d’un manque, ce regret au moment d’aller courir sans ma montre ?

    Je crois que cette montre sportive et ses statistiques, nombre d’activités, vitesse moyenne, durée d’effort, etc, est symptomatique d’une époque où la moindre performance se mesure, se calcule, et se compare. Il n’y a qu’à voir l’essor des réseaux sociaux sportifs comme Strava. Certes, la compétition est inhérente à l’activité sportive de haut niveau. Mais qu’en est-il de l’immense majorité des autres sportifs qui achètent, comme je l’ai fait, toujours plus de montres connectées. Certains le font pour se motiver, c’est inéluctable. D’autres le font pour progresser. Je pense néanmoins que la plupart cède à un gadget inutile. Pas besoin d’une montre pour mieux courir. Pour mieux courir, il faut aller courir. Plus souvent, plus longtemps. Faire un peu de fractionné, ok. Si vous faites tout ça, votre montre vous montrera vos progrès. Mais je crois qu’on peut s’accorder sur le fait qu’il n’y a sans doute pas besoin d’une montre connectée pour appliquer des principes aussi simples. Or c’est bien ça que vous apprenez en regardant les statistiques offertes par votre montre. Si vous courez plus souvent et plus longtemps, vous courez mieux. Quelle. découverte. incroyable.

    C’était le second acte.

    Troisième acte

    Il fut un temps encore récent, les statistiques étaient la grande science de l’état, comme dirait danah boyd. Maintenant, on pourrait ajouter qu’elles sont aussi la science des grandes entreprises du big data, GAFAM en tête. Mais c’est à l’échelle individuelle que le développement de la culture des statistiques est le plus frappant, et le plus dérangeant. C’est l’enseignement que je tire des deux expériences personnelles partagées dans cet article. Que ce soit par les statistiques de son site ou de ses comptes de réseaux sociaux (visites, likes, vues, commentaires, engagement, etc.), les performances sportives enregistrées par nos gadgets connectées, ou encore les musiques écoutées sur des plateformes, les livres lus sur d’autres plateformes, tout est enregistré, mesuré, calculé. Et souvent, comparé. Soit par les entreprises dont le modèle économique repose sur ces données. Soit par nous-même.

    Tous ces chiffres objectifient la réalité. Mais ce faisant, ils tuent la poésie du monde. Ils transforment chacune de nos actions en geste intéressé. Chaque article publié est une quête d’audience. Chaque partage sur un réseau social est une quête d’engagement. Chaque activité enregistrée est une quête de performance. C’est bête, mais c’est en allant courir sans ma montre que j’ai réalisé mon profond désintérêt pour mes performances. Dès cet instant, la course a arrêté d’être une activité de plus destinée à être enregistrée, et devenait un moment unique, éphémère, et beau. Ce fut un réel moment de poésie. Le pire, c’est que tous ces chiffres nous apprennent bien souvent ce que nous savons déjà. Au lieu de nous aider à vivre mieux, ils nous distraient et ils nous noient. Il suffit de voir la passivité criminelle des décideurs face à l’urgence environnementale, pendant que les rapports du GIEC s’empilent. Trop de données, pas assez d’émotion. Trop de chiffres, pas assez de poésie.

    À l’échelle collective, nous avons besoin de chiffres, de statistiques. Ils restent indispensables pour guider l’action publique, et notamment pour contrebalancer la « fait-diversion » de la société. Mais trop de chiffres tuent la poésie du monde. À force de vouloir nous rendre meilleurs pour l’avenir, ils nous rendent sourds et aveugles au présent. Obnubilés par les chiffres qui ponctuent notre existence, nous ne regardons plus autour de nous. Nous ne nous voyons plus. Nous vivons pour le regard des autres, quantifié par d’incessants indicateurs de performances : des likes, des RT, des commentaires, des vues. Nous perdons le plaisir de l’activité désintéressée. Notre vie doit être optimisée et partagée, toujours plus productive, efficace, efficiente, désirable. Pour soi, et surtout pour les autres.

    Trop de chiffres tuent la poésie du monde. À titre individuel et collectif, posons-nous la question : à quoi nous servent vraiment ces chiffres ?

    Louis

  • Cet article a été rédigé par une invitée, Lucie Manzano.

    © Justine Muller

    Demander à quelqu’un d’où vient son accent, même avec la plus grande délicatesse, n’est jamais une bonne idée. Ce genre d’information est personnel et il n’y a pas vraiment de cas de figure où cela peut-être légitime de poser la question. Cette question renvoie forcément la personne au fait qu’elle n’est pas d’un “ici” si on se permet de lui demander. Chacun.e peut raconter son histoire ou non, à son rythme, et avec qui ielle le désire. 

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  • Le 23 février 2021, une soixantaine de député·es LR et LREM ont déposé à l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à interdire « l’usage de l’écriture inclusive pour les personnes morales en charge d’une mission de service public ». Mais pourquoi tant de haine ?

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  • Je suis féministe et j’ai principalement eu des relations hétéro. Je connais la vie de couple, je connais le célibat et ses multiples rencontres, et dans une situation comme dans l’autre, j’ai retrouvé les rapports de domination qui peuvent s’exercer entre les hommes et les femmes. Je tente de déconstruire tout ce qu’on m’a appris sur les relations amoureuses pour sortir du schéma normatif qu’on nous impose. Pour arriver à cela, j’ai tenté de comprendre les mécanismes sociaux qui sont en jeu. Pourquoi ressentons-nous le besoin d’être en couple pour être validé-e ? Comment expliquer ces rapports de domination ? Y a-t-il une solution pour vivre une relation hétéro égalitaire ?

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  • J’aime lire. De tout, tout le temps. Je suis tombée dedans petite et après une longue période boulimique sans grand souci de qualité, j’ai découvert la littérature. Ça a été une révélation, comme passer de plats préparés à un restaurant gastronomique (comparaison qui vous aiguille sur la deuxième passion dans ma vie). Je suis depuis devenue difficile, j’ai besoin de savourer les mots, d’aimer les personnages, de me sentir petite face au génie qui se dévoile au fil des pages. 

    Seulement, voilà, ce n’est pas si simple. Parce qu’en plus d’être férue de littérature, je suis féministe. Il existe bien évidemment des autrices très talentueuses que j’adore lire et relire (Madame de Sévigné, Patti Smith, Simone de Beauvoir pour ne citer qu’elles), mais les femmes qui écrivent et sont publiées sont bien moins nombreuses que les hommes. Dans Une chambre à soi, Virginia Woolf explique brillamment comment la société bride les femmes dans leur processus d’écriture, en les confinant dans un espace domestique où elles n’ont cependant pas de lieu qui leur est propre, et en les plaçant dans une position dominée et subalterne où leur voix n’est pas entendue. À l’inverse, les hommes ont beaucoup plus produit (et de plus gros ouvrages car ils en avaient le temps). 

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  • A l’occasion du décès de la réalisatrice Tonie Marshall le 12 mars 2020, j’ai pu revoir Vénus Beauté (Institut), que je n’avais pas vu depuis….  dix-huit ans ? Je me souvenais d’un sentiment global un peu flou : c’est sympa toutes ces femmes, on n’a pas l’habitude de voir des films avec autant de femmes à l’écran, Audrey Tautou flingue sa vie mais ohlalala, quel romantisme entre Nathalie Baye et Samuel Le Bihan. 

    Vénus Beauté (Institut) en quelques mots, c’est un long-métrage français, sorti le 3 février 1999, qui nous raconte la vie de trois femmes travaillant dans un salon de beauté parisien : leur quotidien entre une patronne pénible, des client.e.s exigeants.e.s, et des histoires d’amour. Les trois personnages principaux sont incarnés par Mathilde Seigner, Audrey Tautou et Nathalie Baye.

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  • Habiter sa maison du matin au soir aiguise notre usage des espaces. Une tâche, un lieu, un moment de la journée, aller d’un espace à l’autre devient un réel déplacement, un voyage, un grand changement. Je gravirai les escaliers vers les hauts espaces du salon et je verrai du pays dans ma propre chambre. Cela dépasse la notion de pièce à proprement dite mais concerne des bouts d’espaces. Par leur disposition et leurs qualités propres, ils rythment les mouvements de la journée d’une activité à la suivante.

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  • En août 2019, à l’occasion de sa diffusion sur une plateforme de streaming, le magazine Les Inrockuptibles titrait à propos de Glee « La série féministe et LGBT-friendly qui vieillit bien ». La journaliste soulevait combien le programme de Ryan Murphy avait été précurseur sur de nombreux sujets. J’ai profité du confinement pour revoir les six saisons de cette série musicale que j’avais adoré à sa sortie en 2009, et même si ses efforts d’inclusion et de diversités sont louables, un regard neuf post #MeToo s’impose.

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  • Fermez les yeux. Je veux dire, imaginez que vous les fermez. Parce que si vous les fermez, vous ne pourrez pas lire l’article. Fermez les yeux donc, et essayez de visualiser la dernière fois que vous vous êtes donné le temps de penser. De vraiment, vraiment penser, plus de cinq minutes, à un sujet compliqué. Un sujet auquel on ne répond pas par oui ou non, qui impose pour être compris d’être préalablement informé, et qui parfois interroge vos valeurs plus que votre raison.

    En me posant moi-même cette question, je me suis rendu compte qu’il ne m’était, pour ainsi dire, jamais arrivé de penser.

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